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A la claire Lisette (suite)

- « Oups ! Madame Lisette, pas de débordement s’il vous plait ! s’écria le Baron. Il est certain maintenant que cette fontaine, source de toutes nos discutions, n’ait rien d’historique et que sa destruction ne sera pas une catastrophe culturelle et patrimoniale mais, pourquoi ne pas évoquer une autre possibilité que cette destruction, son déplacement par exemple? Pourquoi ne pas faire comme nos amis Coutrillons avec leur puits Henri IV ? La déplacer tout simplement dans un autre site après démontage. Nous avons bien ici à Libourne une famille d’entrepreneurs très connus et forts habiles pour maitriser ces techniques de déplacement de monuments historiques. Il en a été ainsi pour le château de l’avenue du Général de Gaulle qui fut démonté récemment pierre par pierre par la famille Vergne pour faire place à un coquet complexe commercial. Puis remonté…

- Oùùù ????? Questionna le Bègue.

- Je ne sais point où, repris le Baron. Mais cette éventualité avait été évoquée lors de la première réunion publique à la Mairie par Paul de Maillard, retraité du poste de Monsieur Industrie à la Chambre de Commerce et qui aurait vu d’un bon œil le déplacement de cette dernière vers la caserne Esog et son installation au centre de la place d’armes du quartier Lamarque. Que ça en a fait rire certains. N’est-ce pas Madame Lisette?

- Mais une fontaine n’est digne de ce nom que si elle est alimentée et que l’eau en coule ma foi ! Une fontaine sans eau n’est qu’un tas de pierre sans vie et sans utilité. Même alimentée par un circuit fermé animé par un moteur électrique, comme c’était le cas de notre sujet, et avant que ce système ne soit en panne et que les vasques ne soient bousillées et plus étanches, cette fontaine à l’eau non potable pouvait au moins rafraîchir quelques nuques et visages les jours de grande canicule. Soulager également quelques vieux chiens en mal de prostates qui venaient s’y épancher et renifler les relents de leurs congénères. Etre rincée par quelques galopins qui y déversaient en cachette de la lessive et rigolaient de la voir vomir des nuages de mousse qu’avec un peu de musique on se serait cru au Cabaret le Milord lors de soirées estivales « mousse et t-shirt mouillé ».
- Mais, comment était-elle alimentée, la fontaine originelle ? Pour en comprendre l’utilité, il eu fallu qu’elle soit bien alimentée en eau potable et, depuis le troisième sous-sol du parking souterrain, je ne vois point d’eau qui  ait pu remonter en surface ? dit le Journaliste.

- Puisque cette satanée fontaine est tarie depuis si longtemps, pourquoi ne pas l’installer sur roulette, comme à l’époque des chars de carnaval réalisés par l’équipe de Géo Servant dans les ateliers municipaux ? Pendant l’année, on pourrait la balader dans les quartiers pour que chacun puisse en profiter, escortée par la Printanière des Charruauds et ses tacots pétaradants qu’on ne sait pas ce qu’ils sont devenus et qui ont bercés notre jeunesses lors des fameuses cavalcades qui, après le premier prix obtenu à Bordeaux, placé notre comité des fêtes hors concours pour celui de Libourne qui s’y déroulé généralement le dimanche suivant…Ah lala ! Que de souvenirs de pétards, confettis, serpentins, langues de-belle mère, masques et déguisements ! …

- Madame Lisette, vous n’y penser pas ? Ce serait ridicule !

- Mais, Môssieur le Journalis’, vous qui devriez être bien informé, connaissez-vous la vraie histoire de la vraie fontaine, de celle qui a été détruite en 1874 sur décision de la municipalité et sous prétexte qu’elle ne débitait plus d’eau potable. De cette eau qui s’écoulait depuis les coteaux de Saint-Emilion. Cette belle fontaine carrée irriguée également par le Lour, une rivière souterraine aujourd’hui oubliée mais qui traverse toujours le ventre de notre cité. Cette fontaine qui avait été construite à la place d’une halle, détruite en 1758, et qui servait d’abris sur cette place du « mercat » ; la place du marché ? Qu’à la place du marché couvert existant était l’église Saint Thomas. Moi, je peux vous dire que je pense que c’est pour d’autres raisons que sa non-potabilité qu’elle a été détruite. Des raisons peut-être secrètes que l’on tait. Mais ça c’est la petite histoire, masquée par la grande. Celle qui n’est pas toujours très très racontable…celle que l’on préfère oublier avec les années…Mais qui, immuablement revient en boucle et en bouche…celle qui serpente de bouche à oreille…

(Suite dans la prochaine édition)